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Le Drame de Diégo-Suarez

 

Introduction:

Ce conflit franco-britannique, du 5 au 8 mai 1942 dans la Rade et le Port de Diégo-Suarez est peu connu, il est pourtant aussi dramatique que celui de Mers-El Kébir. Les Anglais et Français vont engager des combats particulièrement durs, parfois désespérés, qui semblent avec du recul, réellement disproportionnés par rapport aux enjeux stratégiques. Le bilan reste très lourd, trop lourd : 302 tués et 648 blessés au total.

Madagascar:

Un bref rappel sur l'histoire de l'ïle de Madagascar (Carte 3 : Madagascar).

Les Français s'installent pour la première fois en 1643 sur la partie Orientale de l'île . Ils y fondent le port de Fort-Dauphin (Taolagnaro). Mais en 1674 repoussés par les autochtones, ils sont obligés d'abandonner cette première colonie.

Dans les suites, Madagascar s'organisera politiquement, avec la formation de plusieurs Royaumes.

L'Ile est finalement unifiée par les Mérinas, dont le Roi Andrianampoinimerina (1745-1810) parvient à soumettre les dernières tribus.

Sont fils, Radama Ier (1810-1828), aidé par les anglais et doté d'armes à feu britanniques termine l'œuvre de son père. La Reine Ranavalona Ière (1828 - 1861) qui succède à son mari, va inverser la politique de ce dernier, en expulsant les Européens. Les Français tentèrent quelques réimplantations après le départ des Anglais, mais sans succès. Ce conflit franco-britannique pour le partage de l'île s'achêve finalement en 1885 avec le traité de Berlin, qui attribue Madagascar au Français et Zanzibar aux Anglais.

Alors que l'unité du pays est définitivement achevée en 1895, une expédition militaire française commandée par le général Duchesne contraint la reine Ranavalona III à abdiquer. Le Protectorat se met en place, la monarchie, la féodalité et l'esclavage sont abolis. Une insurrection générale secoue l'île en 1896. Madagascar est alors annexée à l'empire colonial français. Le général Gallieni est chargé de pacifier l'île, la campagne durera 8 ans (de 1897 à 1905).

Les Français vont concentrer leurs colonies dans les Hautes-Terres et à Diégo-Suarez au Nord, qui devient ainsi le premier port de Madagascar et un endroit stratégique pour la protection de la route vers l'Indochine.

En 1940, la haute administration de l'île reste fidèle à Vichy.

La base de Diégo-Suarez, participe alors activement avec ses faibles moyens aux ravitaillements de Djibouti, subissant un blocus franco(FFL)-britannique depuis juin 1941.

Il n'est signalé jusqu'en mai 1942, aucun navire de combat et sous-marin Allemand ou Japonais au large de l'Île. Seul 3 cargos de l'Axe ont essayé de trouver refuge à Madagascar après la chute de la Somalie (19 mai 1941).

 L'Opinion britannique:

Au printemps 1942, la situation de l'empire Britannique est critique, depuis Pearl Harbor (7 décembre 1941), les défaites s'engrangent d. En Asie, la force Z (force navale de dissuasion) est anéantie le 10 décembre 1941 par 85 avions bombardier-torpilleurs japonais, Hong Kong tombe le 25 décembre 1941, Singapour le 15 février 1942, Rangoon et Java le 8 mars 1942 et Bornéo le 9 mars 1942. La bataille aéronavale dans l'océan Indien du 3 au 9 avril 1942 est une victoire Japonaise avec des pertes britanniques très lourdes (un porte-avion, 2 croiseurs et plusieurs destroyers, les japonais n'ayant perdu que 17 avions). En Afrique, la contre-offensive Italo-Allemande en Cyrénaïque porte ses fruits : Benghazi tombe le 29 janvier 1942. Début mai, Rommel prépare son offensive contre El Gazala et Tobrouk, l'Egypte n'est pas loin. Enfin en Europe, les Russes subissent une deuxième offensive, le débarquement n'est qu'un projet lointain, et les U-Boote ravagent les convois anglo-américains.

Dans ce contexte difficile, Churchill souhaite une victoire simple et rapide dans le but avoué par la suite (1), de remonter le moral des troupes et de l'opinion britannique.

En ce début d'année, les Allemands et Japonais semblent intouchables, les yeux britanniques se tournent donc vers l'Afrique et plus particulièrement à Diégo-Suarez et ce pour plusieurs raisons:

  1. Les britanniques ont pour l'instant le contrôle total de la mer rouge et de l'Océan Indien Occidental qui est trop loin des bases Japonaises (même au milieu de l'année 1942). 
  2. L'année précédente, les généraux Cunningham et Platt, ont brillament vaincu les Italiens qui sont chassés définitivement de la Somalie et de l'Abyssinie (capitulation le 19 mai 1941). Dans l'Afrique de l'Est, seul Djibouti et Madagascar n'ont pas rallié le camp des alliés: Djibouti , dont le gouverneur est resté fidèle à Vichy, pourrait faciliter le ravitaillement des troupes britanniques (chemin de fer relié à Addis-Abeba), mas la non coopération française déclenche déjà à la mi-1941 les foudres britanniques. Churchill décide alors avec l'accord de De Gaulle de démarrer un blocus afin de fléchir les positions du gouverneur. Ce blocus débute à partir de juin 1941 (avec l'aide de certains navires FNFL). Diégo-Suarez va prendre alors toute son importance et se faire remarquer du même coup par les britanniques puisque plusieurs missions de ravitaillement seront effectués de Madagascar pour contrer le blocus Allié (2). 
  3. Nous l'avons vu les Japonais ont remporté en avril 1942 une bataille aéronavale dans l'Océan Indien au large de Ceylan. Churchill redoute une action de la Marine Impériale sur Madagascar, faiblement défendu avec des français peut être peu enclin à se battre. L'arrivée des Japonais dans ce secteur, chasse gardée, britannique serait un coup stratégique majeure. Ce seront les raisons officielles invoquées pour justifier l'opération Ironclad. 
  4. Une opération amphibie secondaire, avec les trois armes (marine, infanterie, aviation), reste intéressante en vue du futur débarquement en Europe (n'oublions pas que les britanniques vont organiser pour ces mêmes raisons, une autre opération amphibie d'envergure à Dieppe en août 1942).

En ce milieu de l'année 1942, le site de Diégo-Suarez est finalement retenu, parce qu'il permet une action aéronavale d'envergure, dans un cadre "sur", contre un adversaire fragilisé sur le plan militaire comme sur le plan politique (que vont faire les Français ?). De plus, sur le plan stratégique, l'intervention militaire permet de contrer une opération très théorique des Japonais dans le secteur, donc de rassurer l'empire britannique, et surtout, d'offrir un théâtre "d'entraînement" à la Royal Navy, la Fleet Air Arm et à l'armée de terre.

Pour conclure, il vaut mieux rassurer l'empire britannique de ses hautes capacités militaires, sur le dos de l'adversaire le plus faible, quitte à l'inventer si il n'existe pas(3), tout en donnant bonne conscience aux yeux de l'opinion.

Les Forces en présence:

ORDRES DE BATAILLE DES BATIMENTS DE GUERRE ET FORCES FRANÇAISES
ORDRES DE BATAILLE DES BATIMENTS DE GUERRE ET FORCES BRITANNIQUES
Le Plan Britannique:

L'escadre de l'opération Ironclad est confiée au contre-amiral SYFRET, les unités de débarquement, regroupées au sein de la "Force 121", sont commandées par le Major-General Robert STURGES, et sont composées de troupes vétérantes (29ème Brigade Indépendante et le 17ème Groupe).

Le Plan est simple, il allie comme tout débarquement une surprise maximum, avec une concentration des moyens (Aviation, Marine et Infanterie) à l'heure H+0.

Plusieurs plages sont repérées dans la baie du courrier, et permettront deux axes d'attaque en tenaille, l'un au Nord, pour prendre le contrôle du Cap-Diégo (bras de la rade se trouvant en face du port, Carte 1 : Le débarquement de Diégo-Suarez ) et l'autre au sud pour prendre le port à revers.

L'aviation embarquée à l'objectif de neutraliser les forces aériennes ennemies (si possible au sol en utilisant l'effet de surprise) et de couler les navires français mouillant dans la rade.

L'escadre doit soutenir dans la baie du courrier le débarquement par un tir d'artillerie de préparation et de soutien.

SYFRET, ne se fait guère d'illusion sur l'attitude des français, mais les britanniques espèrent une capitulation rapide devant la démonstration de force initiale.

5 mai 1942, Ironclad est lancée:

Le 5 mai 1942, à 5h10 du matin, Diégo-Suarez est réveillé par un passage d'avions qui lance des tracts : demandant au français de se rendre sans condition aux Britanniques, afin qu'ils prennent le contrôle des lieux et ce pour éviter que la base ne tombe aux mains des Japonais.

Ces derniers n'auront d'ailleurs pas le temps de répondre à cet ultimatum, puisque quelques minutes plus tôt, les torpilles et les bombes ont été les premières à parler. Le Colonel Claerebout répondra plus tard aux britanniques par le message radio suivant :"…Diégo-Suarez sera défendue jusqu'au bout conformément aux traditions de l'armée, de la marine et de l'aviation française".

L'aviation du porte-avions INDOMITABLE (Albacores du 827 et 831 Squadron) est chargé du bombardement de la base aérienne d'Arrachart (Carte 2 : La rade de Diégo-Suarez). Dès les premières minutes, 5 Morane MS 406 sont détruits au sol et 2 autres endommagés. Par ailleurs 2 Potez 63-11 sont également touchés. Le détachement aérien d'Arrachart est donc mis rapidement hors de combat. De leur côté les Swordfish du porte-avions ILLUSTRIOUS (810 et 829 Squadron) se répartissent en trois vagues de 6 avions, et sont chargés de torpiller les navires français se trouvant dans le port de Diégo-Suarez.

Les 6 premiers Swordfish, armés de torpilles vont fondre sur le plus gros navire, l'aviso colonial D'ENTRECASTEAUX, mais ce dernier parvient à éviter leur attaque et réussi à prendre la fuite, les torpilleurs vont alors s'en prendre au plus petit, le croiseur auxiliaire BOUGAINVILLE. Les 6 Swordfish suivant, cette fois armés de charges anti-sousmarines vont réussir à couler le sous-marin BEVEZIERS. Les 6 derniers Swordfish armés de bombes, vont lancer les tracts sur le port, avant de s'en prendre à nouveau et sans succès au D'ENTRECASTEAUX. Au cours de ce dernier raid, la DCA française parvient à toucher un Swordfish, qui réussi à amerrir prés d'une plage, l'équipage sain et sauf sera fait prisonnier.

Pendant ce temps dans la baie du courrier, le débarquement de la première vague (29th Infantry Brigade) s'effectue sans trop de résistance.

L'acte I, est terminé, réussite presque totale pour les Britanniques, mais les Français vont se battre jusqu'au bout, cette opposition plus ou moins attendue, va surprendre par sa vigueur les attaquants.

L'évasion du D'Entrecasteaux:

Dès le premier raid britannique, l'aviso D'ENTRECASTEAUX, parvient à appareiller en catastrophe, tout en échappant aux torpilles et aux bombes,. Il réussie finalement à se positionner dans la rade de Diégo-Suarez au nord du Cap-Diégo.

Malgré leurs multiples tentatives, les avions n'arriveront pas à le neutraliser dans la journée du 5 mai et sa position stratégique permet un tir de soutien contre l'axe nord de l'attaque et empêche théoriquement toute action navale britannique dans la rade.

Les britanniques piétinent:

A terre, la progression sur deux axes des troupes britanniques (Carte 1 : Le débarquement de Diégo-Suarez), n'est pas aussi facile que prévue. Les français résistent de façon étonnante et les pertes britanniques s'alourdissent d'heure en heure. L'inquiétude gagne en fin de journée l'état-major britannique, et le d' ENTRECASTEAUX parvient grâce à sa position à multiplier les tirs de soutien contre les positions ennemies.

En, mer une corvette britannique, le HMS AURICULA, saute sur une mine française à l'ouest de la baie du courrier. Aucune perte à bord, mais la quille de l'AURICULA est brisée. La corvette est finalement sabordée le lendemain après son évacuation.

L'aviation française, bien que totalement neutralisé à Arrachart, va poursuivre quelques attaques sporadiques à partir de la base d'Ivato.

Plusieurs missions de bombardements de véhicules sont effectuées par les derniers Potez 63-11, les Morane MS 406 assurant la couverture et le mitraillage au sol à l'occasion. Dans la matinée du 5 mai, 2 Morane MS 406 vont mitrailler les plages du débarquement, l'un des MS 406 sera porté manquant à Ivato, pourtant aucun avion ou batterie britannique ne revendiquera la destruction de cet avion

Changement de plan:

Dans la nuit du 5 au 6 mai, l'état-major prépare de nouvelles actions : 1) la neutralisation du d' ENTRECASTEAUX devient l'un des objectifs principales de la nouvelle journée du 6 mai, 2) Sturges, demande à Syfret de préparer une opération de diversion afin de disperser la défense française. Le plan suivant est finalement retenu : dans la nuit suivante (6-7 mai), le HMS ANTHONY avec à son bord 50 hommes du Royal Marines devra se rendre dans la rade de Diégo-Suarez en contournant le cap d'Ambre (Carte 1 : Le débarquement de Diégo-Suarez). Cette action devrait permettre une attaque commando de diversion dans le dos des défenses françaises.

Journée du 6 mai 1942, la réaction des sous-marins français, (1) Le Héros :

Dès le début des bombardements du 5 mai, le capitaine de vaisseau Maerten, n'avait que le d'ENTRECASTEAUX pour défendre la rade, trois autres sous-marins encore en état, opéraient au même moment dans le secteur de Diégo-Suarez. Il s'agissait du GLORIEUX, MONGE et HEROS.

Ils reçoivent l'ordre de Maerten le 5 mai à 8h30, d'appareiller pour Diégo-Suarez, et de torpiller tout bâtiment ennemi sur leur route.

Le Héros se trouve alors à 500 milles au nord de Madagascar, escortant un cargo de ravitaillement. Dès le message reçu, le commandant Lemaire, déroute le cargo vers les Comores, et fait route à vitesse maximum sur Diégo-Suarez.

Le 6 mai à 15h00, il se trouve encore à 250 milles de la rade, lorsqu'il est attaqué par un avion britannique assurant la couverture éloignée de l'escadre.

Contraint à la plongée, le commandant Lemaire fait surface 30 minutes plus tard, et reprend le cap de Diégo. Mais le commandant, par manque de communication avec la base, sous-estime trop largement l'opération britannique et ne prend pas très aux sérieux cette alerte aérienne, qu'il pense être venue des Seychelles et non de porte-avions.

(2) Le Monge :

Le sous-marin est en mission d'escorte à la Réunion lorsqu'il reçoit le premier message de Maerten, il appareille immédiatement vers Diégo-Suarez à 17 n. Le 6 mai, il se trouve encore à plusieurs centaines de milles de la base.

(3) Le Glorieux :

Lorsque le commandant Bazoche reçoit le message de Maerten, son sous-marin, le Glorieux, se trouve en escale à Majunga, port malgache situé à 350 milles au sud-ouest de Diégo-Suarez.

Le sous-marin appareille immédiatement pour Diégo-Suarez.

Le 6 mai, un nouveau message de Maerten, donne au Glorieux un ordre, imprécis, d'attaque à l'ouest. Le sous-marin aborde de toute façon le cap nord de madagascar par l'ouest.

Bazoche fait plonger le sous-marin à 20 milles de Diégo-Suarez, et s'installe au poste de combat.

A 10h05, un porte-avion est repéré au périscope, les 4 tubes avant sont parés, et le sous-marin prend le cap sur le porte-avion qui se dirige plein est. Il s'agit de l'INDOMITABLE, escorté de trois destroyers. Mais la vitesse de 25 n de l'escadre ne permet pas une approche idèale, le glorieux filant 10 n en plongée.

A 14h35, l'INDOMITABLE est de nouveau repéré à 12 000 m, mais l'escorte de destroyers oblige le sous-marin àplonger à30 m.

A 15h30, une deuxième porte-avion est repéré, il s'agit de l'ILLUSTRIOUS, qui se trouve lui aussi trop loin à 15 000 m.

Dans la nuit de 6 mai, le sous-marin refait surface pour charger les batteries sans avoir pu lancer une seule torpille sur les porte-avions britanniques.

Journée du 6 mai 1942, les combats continus :

Le d'Entrecasteaux est finalement touché par plusieurs Swordfish, il s'échoue, mais ne sera évacué par l'équipage qu'après 36 heures de combat…

A 8h00, une patrouille de Martlets du 881 Squadron, coiffent 3 Potez 63-11 de l'escadrille 555, qui seront tous abattus.

Les reste de la Fleet Air Arm est occupé à la surveillance anti-sous-marine, et aux bombardements d'appui.

A terre les britanniques progressent difficilement, mais les défenseurs sont de plus en plus isolés, sans soutien et sous les bombes.

Nuit du 6-7 mai 1942, expédition commando à bord de l'Anthony :

Le HMS Anthony, conformément aux ordres de la veille, contourne donc le cap Ambre ( Carte 1 : Le débarquement de Diégo-Suarez ) puis pénètre dans la rade en pleine nuit sans être repéré par les batteries côtières de la pointe d'Onrangéa.

Le navire dans sa lancée, traverse la rade, puis accoste à la barbe des français aux quais d'Antsirane, permettant ainsi, aux 50 hommes du commando, de débarquer sans encombre.

Les commandos, s'emparent rapidement des points clefs de Diégo-Suarez.

Les français pensent alors être attaqués dans le dos, ce qui désorganise complètement leur défense.

Au même moment, les britanniques après une nouvelle préparation d'artillerie, lancent une offensive générale en pleine nuit.

Les français submergés, capitulent rapidement. A 2h00 du matin, l'état-major français est capturé.

Des combats sporadiques vont continuer jusque dans la matinée du 7 mai, surtout aux abords des différentes batteries côtières.

Journée du 7 mai 1942, les français capitulent :

Le dernier combat aérien a lieu dans la matinée, trois MS 406 sous les ordres du capitaine Leonetti vont croiser une patrouille de deux sections de Martlets du 881 Squadron. Le leader de la première section est abattu par le capitaine Leonetti, et le pilote britannique parviendra à amerrir près des côtes. Les 3 avions français engagés dans un combat tournoyant, sont finalement abattus, et le capitaine Leonetti parvenant à sauter en parachute, s'en sortira avec quelques blessures mineures.

Dans l'après-midi, la rédition dans le secteur de Diégo-Suarez est finalement signée, mais l'île de Madagascar n'est pas encore conquise…

La Fin du Héros :

Le commandant Lemaire double le 7 mai à 3h10 le cap d'Ambre par l'ouest.

A 4h30, le sous-marin se trouve, en surface, à l'entrée de la baie du Courrier entre le champs de mines et les récifs de la côte ( Carte 1 : Le débarquement de Diégo-Suarez).

A 5h00, l'aube se lève, la côte n'est toujours pas visible, un avion est alors repéré par tribord arrière. Il s'agit d'un Swordfish, qui dans l'obscurité, a repéré le sous-marin au radar. Le sous-marin plonge en catastrophe à30 m mais est touché au cours de sa plongée initiale. Dans l'obscurité totale, et devant le grand nombre d'avaries, le commandant Lemaire est obligé de faire surface et d'évacuer.

La suite est dramatique, les 72 hommes d'équipages vont se retrouver à l'eau, entourés de requins. Le destroyer HMS PAKENHAM et la corvette HMS JASMINE arrivent sur zone à 9h00 et vont sauver de la noyade et surtout des requins 52 marins français. 19 hommes sont portés disparus et 1 corps sera repêché.

Le Glorieux poursuit sa chasse:

A 5h17, en surface, le Glorieux repère dans le 120, à 12 000 m le porte-avions HMS ILLUSTRIOUS. La chasse en plongée périscopique reprend, est le sous-marin repère de nouveau à 10h00 puis 14h50 les porte-avions, mais sans pouvoir les approcher.

La journée se termine sous une chaleur étouffante, le sous-marin refait surface à la nuit tombée, sans nouvelles de Diégo-Suarez.

Journée du 8 mai 1942, le Monge est coulé :

Le Monge arrive par l'est à quelques milles de Diégo-Suarez dans la nuit du 7 au 8 mai( Carte 1 : Le débarquement de Diégo-Suarez) . L'escadre britannique au complet fait route depuis le 7 au matin, vers la rade de Diégo-Suarez.

A 7h56, Le Monge attaque le porte-avions IHMS NDOMITABLE, qui parvient in extremis à éviter ses torpilles. L'une d'elle passe à seulement 45 m sur l'avant du navire. Les destroyers HMS ACTIVE et PANTHER engagent aussitôt le grenadage anti-sous-marin qui sera fatale pour le sous-marins et ces 69 marins (dont 5 officiers).

le Glorieux abandonne la chasse :

Dans la journée du 8 mai, le Glorieux reprend la chasse toujours à l'ouest du cap Ambre. La mer reste cette fois-ci désespérément déserte.

Le 9 mai, à 1h25, le sous-marin reçoit en fin le message de l'amirauté française, et apprend que Diègo-Suarez est tombé après trois jours de combat, et reçoit l'ordre de continuer la lutte contre l'envahisseur britannique.

Le commandant Bazoche décide de prendre le cap au sud et de patrouiller une semaine, aux abords de Nossi-Bé.

Le 11 mai, il reçoit l'ordre de gagner Port-Androka, qu'il atteint le 16 mai où mouille déjà le l'aviso colonial d'IBERVILLE.

Le Bilan :

Au prix de combats intenses sur trois jours, et malgré les moyens engagés, les britanniques ont failli perdre le contrôle de la situation. Les français les ont surpris par leur acharnement, leur détermination et leur organisation malgré des moyens obsolètes.

L'action du HMS ANTHONY fut décisive et les sous-marins français qui avait les moyens d'inverser la balance, trop peu renseignés par l'amirauté, n'ont pu que subir la supériorité aérienne et navale de l'escadre britannique.

Les pertes britanniques sont les suivantes:

131 tués et 305 blessés. La corvette HMS AURICULA. 2 Fulmars, 1 Martlet et 1 Swordfish.

Les pertes françaises sont les suivantes :

171 tués, dont 119 pour la marine, 343 blessés, et environ 3 500 prisonniers. Le croiseur auxiliaire BOUGAINVILLE, l'aviso colonial d'ENTRECASTEAUX, les sous-marins BEVEZIERS, MONGE et HEROS. 12 Morane MS 406 (7 détruits au sol, 4 au combat et un par accident), 5 Potez 63-11 (2 détruits au sol, 3 au combat).

FORCES EN PRESENCE ET BILANS
La conquête de Madagascar :

Il faudra encore plusieurs mois pour la conquête totale de l'île, pour résumer, les britanniques sont obligés de désengager la 5th Division pour renforcer l'Inde. La 22th Infantry Brigade d'Afrique Orientale arrivera en renfort.

La 29th Infantry Brigade débarque le 10 septembre à Majunga puis quelques jours plus tard rembarque pour débarquer à nouveau mais de l'autre côté de l'île à Tamatave, alors que la 22th Infantry Brigade progresse dans les hauts plateaux.

Le 29 septembre un bataillon sud-africain débarque à Tuléar.

Les derniers français fidèles à Vichy se rendent à Fort-Dauphin le 5 novembre 1942. L'opération Madagascar est terminée.

Les Japonais sont là ! :

Les Japonais sont fort intéressés par l'action britannique de Diégo-Suarez, ils décident d'envoyer sur zone trois de leurs sous-marins long courrier : le I-16, I-18 et I-20.

Le 29 mai 1942, l'un des hydravions japonais embarqué, repère dans la rade de Diégo-Suarez, le cuirassé britannique HMS RAMILLIES.

Les 3 sous-marins japonais reçoivent alors l'ordre de lancer leur sous-marins nains embarqués, avec pour objectif de couler l'HMS RAMILLIES.

Sur les 3 sous-marins nains, l'un (celui du I-20) parvient à pénétrer dans la rade, atteint le HMS RAMILLIES avec une torpille, ce qui l'endommage gravement pour plusieurs mois. Ce sous-marin nain termine sa mission exemplaire en coulant le pétrolier LOYALTY.

Furieux, les britanniques lancent un raid aérien de représailles contre l'aérodrome de Tananarive encore tenu par les français ! Ils pensaient en effet que les torpillages avaient été causé par un sous-marin de la royale…

Mais le 2 juin, le sous-marin nain s'échoue sur les récifs alors qu'il essayait de reprendre la haute-mer. L'équipage sera décimé par une patrouille britannique.

Conclusion :

Pour les britanniques, la sanglante opération Ironclad, est un succès marginal, qui sur le fond n'a servi que de répétition générale pour un débarquement avec les trois armes, et ce sur le dos des français. Paradoxalement, l'arrivée des britanniques à Madagascar, a fait réagir les Japonais, qui ont réussi à endommager pour plusieurs mois le cuirassé RAMILLIES.

La perte de Madagascar est un coup dur, pour un régime de Vichy aux abois. La Royale a encore payé un trop lourd tribu aux hésitations politiques et militaires de ce régime vacillant.

Enfin, ces combats entre alliés, auraient du être évités. Les responsables aussi bien anglais, que français, n'ont au fond que peu d'arguments pour expliquer, et surtout justifier ce conflit inutile, et ils n'en sortent pas grandis.


Notes :

  1. Mémoires de Churchill concernant Madagascar :"première grande opération amphibie depuis celle des Dardanelles fut un modèle du genre à une époque où nous avions besoin de succès".(retour)
  2. Les unités ayant ravitaillé Djibouti de Diégo-Suarez sont les suivantes :Le sous-marin VENGEUR (1500 T, LV Digard), en juillet 1941 qui se heurt au navire FNFL SAVORGNAN DE BRAZZA, 8 700 kilos de vivre sont débarqués. De novembre 1941 àfévrier 1942 le ravitaillement est assuré par les trois autres sous-marins : MONGE, HEROS et GLORIEUX. Deux navires de surface participeront également aux rotations : Le D'IBERVILLE, à Noël 1941, 300 tonnes de vivre sont débarqués, enfin le BOUGAINVILLE en février 1942 (1 300 tonnes de vivre débarqués) et mars 1942. Grâce à ces rotations et à la contrebande locale, la colonie djiboutienne parviendra à subsister et ce malgré le blocus Allié.(retour)
  3. L'Etat français (Vichy) n'est pas en guerre contre la Grande.Bretagne.(retour)


CARTES :

Carte 1 : Le débarquement de Diégo-Suarez

Format gif - 84 ko

Carte 2 : La rade de Diégo-Suarez

Format jpg - 60 ko

Carte 3 : Madagascar

Format gif - 40 ko


SOURCES (pour les principales) :

DARRIEUS Henri (amiral) et QUEGUINER Jean (capitaine de vaisseau), HISTORIQUE DE LA MARINE FRANÇAISE 1922-1942, Saint-Malo, Éditions l'Ancre de Marine, 1996.

BUFFETAUT Yves, OPERATION INRONCLAD (IN) Marines et Forces Navales N°66, Nantes, Marines Éditions, Avril/Mai 2000, p.50-57.

ANTIER Jean-Jacques, Les Grandes Batailles navales de la Seconde Guerre Mondiale, Tome * , LE DRAME DE LA MARINE FRANÇAISE, Paris, Omnibus, 2000.

SHORES Christopher, DUST CLOUDS IN THE MIDDLE EAST. (Merci à Mr Gabriel Garrido pour son aide sur les opérations aériennes du 5 au 7 mai 1942).


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